Campagne de commercialisation du soja 2022 2023 : à quel scénario peut-on s’attendre ?

Le marché des matières premières est un marché aussi imprévisible, instable que complexe ; du fait des nombreux paramètres qui influent sur les prix et donc le déroulement d’une campagne. Et ça, le soja ne fait pas exception. Comment aviez-vous apprécié le déroulement de la campagne de commercialisation précédente du soja ? et comment prévoyez-vous la campagne qui démarre bientôt ?

Loin d’être un lanceur de cauris qui pourra vous dire ce que révèle sa consultation, je partage avec vous mes propres réflexions sur la base de ce que j’observe depuis quelques années sur la filière.

Qu’est ce qui a marqué la campagne de commercialisation de 2021-2022 ?

Pour faire une analyse du marché, remémorons-nous ce qui c’était passé l’année dernière, parce que, comme on le dit souvent, « le passé instruit le présent et ensemble ils construisent l’avenir ». Surtout dans le commerce des matières première, le déroulement de la campagne précédente est souvent déterminant dans le déroulement de la campagne suivante. Nous savons tous que quand un produit prend de la valeur une année, l’année qui suit, tout le monde se met à produire cette culture et parfois les prix chutent suivant la loi du marché de l’offre et la demande qui détermine les prix.

C’est un peu ce qui s’est passé entre 2021 et 2022. Nous savons tous que l’année surpassé (2020-2021) le soja avait pris suffisamment de la valeur, au point où certains auraient vendu le soja à 600 FCFA/ kg (vers la fin de la campagne). Ce qui à influer sur le déroulement de la campagne dernière ; c’est-à-dire 2021-2022. Pour le début de la campagne, nous étions habitués à des prix inférieurs à 200 FCFA/kg, mais voilà l’année dernière la campagne avait démarré avec un prix supérieur à 300 FCFA partout au Bénin ainsi que dans les pays voisins, les producteurs étaient joyeux et je trouve que la campagne avait été agité eu égard du rythme auquel les prix évoluaient. J’avais des partenaires qui me disaient « le soja est cher, j’attends que les prix chutent » et personnellement, je craignais une chute des prix semblable à celle du cajou en 2018 : pour ceux qui ne le savent pas, en 2018 la campagne avait démarré avec un prix moyen de l’ordre de 500 FCFA/kg, ce prix avait vite évolué et est même allé au-delà de 800 Franc le kg avant le lancement officiel de la campagne.

Mais hélas, les prix ont chuté par la suite, venant jusqu’à 200 FCFA/kg dans certaines zones.

C’était pour la petite histoire. J’avais donc imaginé ce scénario, qui ne s’est heureusement pas produit même si par la suite, les prix ont effectivement chuté.

Puisque les prix avaient vite évolué au démarrage de la campagne et se référant à la campagne précédente, les gens étaient convaincus que le prix du soja allait franchir la barre de 500 FCFA/kg. J’ai moi-même rencontré des producteurs qui m’ont dit « nous attendons que le prix atteigne 500 FCFA/kg pour vendre notre production ». Mais hélas, après que le soja ait atteint 400 FCFA/kg, les prix se sont stabilisés et n’ont plus évolué significativement : quelques chanceux ont pu vendre leur soja à 450 FCFA le kg. Les prix sont redescendus venant jusqu’à moins de 300 Franc le kg dernièrement.

Que va-t-il se passer alors cette année ?

Si le soja a pris autant de la valeur, ce qui va se passer cette année, bien évidemment, c’est une augmentation de la production : les producteurs ont augmenté les superficies du soja, au détriment même d’autres cultures de rente notamment le coton. Et laisser-moi vous dire que ce n’est pas seulement au Bénin que c’est ainsi, mais partout dans le monde. Loin d’être un oiseau de mauvais augure, si la production augmente partout, pour un même marché et une même demande, c’est que les prix  pourraient baisser. Ce n’est qu’une hypothèse et c’est évident.

A votre avis, pourquoi le prix du cajou n’a pas augmenté pour atteindre 800 FCFA/ kg comme dans les années 2017-2018 ?

La tendance des prix de cette campagne

Parlant du prix, le lancement de la campagne de commercialisation au Bénin est pour le 24 novembre et le gouvernement à fixer le prix plancher à 190 FCFA le kg, comme l’année dernière. Ce n’est qu’un prix plancher. Même s’il n’est pas déterminant, il demeure pour moi et même les opérateurs un indice sur le tournant que pourrait prendre la campagne. Le prix du soja actuellement sur le terrain serait de l’ordre de 250 Franc/kg en moyenne au Bénin.

Le Togo vient de fixer le prix d’achat unique bord champs à 300 FCFA/kg. Le prix unique bord champs est prix auquel les acheteurs doivent prendre le soja aux mains des producteurs : pas plus, pas moins durant toute la campagne. Attendons de voir si ça sera respecté.

Pour ma part ; l’élément le plus important qui va influer sur l’évolution des prix au Bénin, ce sont les reformes en cours, visant à promouvoir la transformation locale de nos matières premières. En effet, le Bénin a institué une taxe supplémentaire de 100 FCFA/kg sur l’exportation du soja. Je ne parle pas encore de l’interdiction de l’exportation du soja à partir de 2024 et dont la mesure transitoire dit qu’avant d’exporter le soja, il faut satisfaire la demande des usines installées au Bénin.

Je vous parle de ces mesures pour que chacun se fasse une idée des conséquences sur le prix du soja au niveau du Bénin et les pays voisins. Les étrangers qui venaient prendre le soja au Bénin pourraient se tourner vers ses voisins pour assurer leur approvisionnement là-bas. Et si la demande est forte dans ces pays ; les prix pourraient vite augmenter là-bas.

Si le Togo a su fixer un prix d’achat unique bord champs pour contrer la flambée des prix ; c’est peut être le Burkina ou d’autres pays de la sous régions qui profiteront du retrait des acheteurs du Bénin.

Ce sont des éventualités qu’il ne faut pas perdre de vue pour une meilleure prise de décision. D’ailleurs la dernière fois, ne sachant pas que le Togo allait fixer un prix d’achat unique bord champs, j’ai dit avec assurance à une cliente « les prix seront élevés au Togo cette année, vu que les acheteurs qui venaient au Bénin se retourneront vers le Togo ».

Elle m’a répondu « pas forcement, l’année dernière le soja était trop chère en Afrique et à cause de ça cette année, beaucoup d’acheteurs se retournent vers les pays de l’Amérique Latine ». Elle est même allée jusqu’à me dire que la production du Burkina viendrait s’ajouter à celle du Togo et donc que l’offre allait être assez suffisante pour combler la demande des acheteurs qui seraient à Lomé. C’est vrai que c’est son point de vu à elle

Au vu de tous les éléments ci-dessus évoqué j’ai voulu écrire surtout pour vous inviter à la prudence. Mon adresse est surtout à l’endroit de ceux qui voudront acheter le soja pour stocker et revendre plus tard ou même les producteurs qui ont l’habitude de dire « j’attends que les prix arrivent à ….pour vendre ». Vous n’avez aucune garantie que le prix atteindra ce montant et plusieurs personnes ont vendu à perte à vouloir trop gagner.

Mon conseil ? Achetez et revendez aussitôt, encaissez votre petite marge, repartez acheter pour revendre. Faite ceci autant que possible durant la campagne. Ça vous évitera des surprises désagréables.

Et si vous êtes producteurs, séquencez les ventes pour aussi éviter des surprises désagréables.

Ceci reste mon analyse. Et vous ? que pensez-vous de la campagne qui s’annonce ?

Que conseillez-vous aux producteurs ou commerçants ?


3 réflexions sur “<strong>Campagne de commercialisation du soja 2022 2023 : à quel scénario peut-on s’attendre ?</strong>”

    1. Un prix plancher, est un prix en dessous duquel personne ne doit acheter. ce prix est fixé par le gouvernement sur proposition des acteurs eux mêmes (organisations de producteurs, commerçants et transformateurs), sur la base du coût de production et de l’évolution du marché international

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